L’Institut de cancérologie de Strasbourg (ICANS) est le plus récent des scandales dus à une gestion problématique de l’offre de soins en Alsace.
Après une très longue réflexion démarrée en 2004, l’ouverture effective de l’ICANS a eu lieu en 2019. L’ICANS devait réunir les expertises en oncologie du Centre Paul Strauss (CPS) et des Hôpitaux universitaires de Strasbourg (HUS), chacun apportant des autorisations d’activités spécialisées et des moyens humains.
Un nouveau bâtiment accolé à l’hôpital de Hautepierre destiné à accueillir cette nouvelle structure a été construit. Cet investissement en argent public s’est élevé à plus de 160 millions d’euros.
Le projet était novateur et très attendu. Le cœur de ce projet a été de doter l’Alsace d’un centre de cancérologie de référence, à vocation régionale, où les patients trouveraient l’ensemble des compétences médicales et techniques : la « maison du cancer », pôle d’expertise, de soins de pointe et de recherche.
Hélas « le ver était dans le fruit » dès l’origine par un déséquilibre de la gouvernance en faveur du CPS. De plus, les HUS mettaient à la disposition de l’ICANS des filières et des moyens annexes (urgences, biologie…) sans qu’une compensation financière suffisante n’ait été prévue.
Un partenariat public-privé aussi déséquilibré ne pouvait créer que des conflits internes. L’Agence Régionale de Santé (ARS) Grand Est, basée à Nancy, ne les a jamais réglés, même si un tel rôle lui incombe. L’IGAS (Inspection générale des affaires sociales) a pourtant mené plusieurs missions flash, et des préconisations pour pacifier la situation ont été rendues en 2023. Celles-ci sont restées sans effet.
La valse des ministres de la Santé depuis la crise du COVID, a contribué également au pourrissement de la situation.
Finalement les HUS viennent de décider (fin 2024) de se retirer de ce partenariat et à ce jour aucun nouveau projet n’émerge. En effet, dans un délai très court d’un an (fin 2025), une nouvelle organisation devrait être présentée.
Beaucoup de questions se posent notamment sur l’absence de maîtrise du ministère de la Santé et de l’ARS Grand Est sur le fonctionnement de l’ICANS. Le conseil de surveillance des HUS, dont la présidence est assurée par la maire de Strasbourg, a semble-t-il avalisé cette dissolution qui va priver l’Alsace d’un centre régional de cancérologie d’expertise, alors que la prévalence des cancers y est très importante.
Les filières en matière de cancérologie (chimiothérapie, chirurgie, radiothérapie) vont probablement devoir être dédoublées, puisque la mutualisation n’est plus à l’ordre du jour et ce dans un contexte national de pénurie de médecins. Les prises en charge des patients n’en seront que plus compliquées, ce qui représente pour eux une réelle perte de chances.
Une fois de plus, la faillite du centralisme parisien et l’inefficacité des grandes régions à travers leurs gigantesques ARS, aboutissent au gaspillage de l’argent public et ce, dans le silence assourdissant de la quasi-totalité de nos élus alsaciens.
Docteur Marie- Christine Huber-Braun / Membre du Grosser Rat de Unser Land