Tel est le titre du dernier ouvrage de Bernard Wittmann. Il y dresse un constat alarmant du délabrement de la France en rappelant que, dès 2003, dans un ouvrage de référence titré « La France qui tombe », l’économiste Nicolas Baverez avait déjà décortiqué les cercles vicieux de l’incapacité française. Depuis, la dégringolade s’est emballée : structures administratives obsolètes qui font de la France un pays où tout est compliqué et où rien ne marche, corruption, paupérisation des masses, crise de la citoyenneté, du « vivre ensemble », du système éducatif, de la justice, de la recherche, de la morale… Criblé de dettes, avec des déficits commerciaux historiques et tremblant pour son triple A, le pays souffre de mille maux. La France est devenue « un pays délabré, voire périmé », constate Bernard Wittmann.
Le mal français
Pour l’auteur, « les faiblesses de la France sont essentiellement structurelles. Le mal français est ancien et vient de l’intérieur, essentiellement de son système politique inepte et coûteux ». Pour preuve : de part et d’autre du Rhin, en dépit de caractéristiques géographiques, d’une typologie humaine et d’un niveau de formation des populations semblables, seule la rive allemande est prospère et dynamique. Ce qui les différencie, ce sont les institutions politiques : centralisme d’un côté, structures fédérales de l’autre ! « Ce sont les systèmes politiques qui conditionnent les réussites notamment économiques » conclut l’auteur qui en profite pour pointer tous les méfaits du centralisme français, avec ses funestes conséquences pour l’Alsace. En effet, ce système aberrant engendre des rigidités mortifères à tous les niveaux du pays : l’Etat central exerce sa tutelle sur tout, décide de tout, commande tout, ce qui crée évidemment des engorgements au sommet. Quant aux contraintes bureaucratiques propres à la centralisation avec son millefeuille administratif, elles complexifient tout, freinent tout et font de la France l’Etat le plus fonctionnarisé d’Europe. Au final, « ce système rigide bride l’initiative et les réflexes de la compétitivité. Il entrave la créativité, freine le développement en empêchant l’émulation et, pour finir, étouffe les Régions. Pire, en déresponsabilisant la base citoyenne et en confinant les élus au rôle de plaideurs voire de mendiants, il génère des mentalités d’assistés et ravale le citoyen au rang de sujet » constate l’auteur.
Le millefeuille des collectivités locales, une spécialité française, est aussi très coûteux. Dans Le Point du 10 novembre 2011, Gilles Carrez, rapporteur général UMP de la commission des finances, a reconnu que « la fusion des Régions et des départements permettrait d’obtenir 2 à 3 milliards d’économies, soit 10% des dépenses totales des collectivités locales ».
Une idéologie délétère qui conduit le pays au déclin
Aussi, ce qui conduit la France au déclin, c’est moins la « crise » (l’Allemagne se porte bien) qu’une idéologie délétère, dont le pays n’arrive pas à ses défaire. C’est elle qui constitue aujourd’hui le principal frein à son développement : l’idéologie jacobine, héritée des révolutionnaires de la Terreur et qui fonde la tradition centraliste française, a gardé toute sa prégnance. Ses « marques de fabrique » sont la mystique unitariste et égalitariste, la concentration au sommet de tous les pouvoirs, le délire monomaniaque (un peuple, une langue, une histoire, un pays indivisible…), l’instillation des peurs (peur de l’altérité, des immigrés, des Régions, de l’Allemagne…) -, le chauvinisme linguistique (vocation du français à l’universalité), la phobie de la diversité couplée avec la haine des langues régionales (décriées comme autant de menaces pour l’unité), l’intolérance à l’égard des minorités… Dans l’Etat-nation français « un et indivisible » fondé sur l’idéal de « la diversité vaincue », « l’expression citoyenne est invariablement unidimensionnelle », déplore l’auteur. Un chapitre entier du livre est d’ailleurs consacré à l’intolérance linguistique et au refus de la diversité – cauchemar des jacobins – qui caractérisent la France, « mouton noir » en Europe pour son manque de respect des droits, linguistiques notamment, des minorités. Son idéal d’indifférenciation l’amène jusqu’à nier l’existence de minorités sur son sol, « un négationnisme d’Etat ! » s’insurge l’auteur : « Cette politique française est totalement à contre-courant des évolutions qu’ont connu tous les autres pays européens qui, dans leur quasi-totalité, reconnaissent à présent des droits particuliers, notamment linguistiques, à leurs minorités. C’est que « les Jacobins veulent forcer l’avènement d’un Etat monoethnique conçu sur le modèle d’une tribu. Ils ethnicisent le concept de nation ».
Pour l’auteur, Marianne, qui a montré sa totale incapacité à se réformer, à entamer un sursaut fédéral ou à persévérer dans la voie de la régionalisation, est aujourd’hui en situation d’échec total : « Elle n’a plus qu’à nous offrir le large registre de ses échecs et de ses dogmes surannés » ! Mais si demain la France coule, elle entraînera avec elle la laborieuse Alsace, autrefois prospère, mais déjà bien mal-en-point. Aussi serait-il parfaitement inacceptable que les Alsaciens aient à payer l’ardoise de l’entêtement et des errements idéologiques de la classe politique française !
La situation de l’Alsace ne cesse de se dégrader
Depuis les années 90 la situation de l’Alsace n’a cessé de se dégrader. En deux décennies, elle est entrée dans un processus régressif économico-culturel. Son bilinguisme qui faisait jadis sa force se meurt : « Si un effort n’est pas fait en faveur de l’enseignement de l’allemand, 50 000 emplois pourraient être perdus par les frontaliers alsaciens », titrait L’Alsace du 21.10.2011 en se référant à une étude récente. Ponctionnée de partout, parent pauvre des subventions, bridée de toutes parts, l’Alsace a fini par s’essouffler. Résultat : le fossé avec les Régions de France les plus dynamiques n’a cessé de se creuser ! « Aujourd’hui l’Alsace compte parmi les trois Régions les plus endettées et la croissance de son PIB a été en dessous de la moyenne française : entre 2000 et 2007, la croissance du PIB national a été de 13% tandis que celle de l’Alsace atteignait tout juste 5% !! ». Le décrochage alsacien peut aussi se mesurer à la croissance fulgurante du chômage, à la progression constante du nombre des allocataires du RSA et des bénéficiaires de la CMU, à l’endettement exponentiel de la Région, au recul du travail transfrontalier dû à la perte du bilinguisme, au recul constant de l’emploi salarié dû à la désindustrialisation… Et selon une étude du cabinet Astérès (2009), l’Alsace sera la région de France la plus affectée par la crise.
Pour Bernard Wittmann, une chose est sûre, l’Alsace ne pourra jamais se redresser si elle continue à ne compter que sur la France percluse de dettes, plombée par ses crispations dogmatiques et dont les élites sont incapables de changer de cap et de virer de bord pour éviter l’échouage. « Dans ce système verrouillé par le dogme absurde de l’unicité, l’Alsace, qui fut toujours condamnée à suivre le cap tracé par Paris, n’a aucune chance si ses marges de manœuvres ne sont pas considérablement élargies et à tous les niveaux ».
L’autonomie pour s’affranchir des logiques de soumission
Pour s’en sortir et s’extraire du marigot jacobin où elle s’embourbe, pour connaître un autre destin que celui d’un Hexagone en perdition, pour s’affranchir des logiques de soumission qui la condamnent à la léthargie et à la mendicité, « l’Alsace ne pourra compter que sur ses propres capacités à se prendre en main et à trouver la voie libératrice ». Pour l’auteur, cette voie passe par un statut d’autonomie négocié et introduit par paliers, qui donnera à l’Alsace, préalablement unifiée en une collectivité unique, une plus grande prise de responsabilité. Ce statut, qui répond aussi à un impératif démocratique, devra permettre aux Alsaciens, dans le cadre d’une Région Alsace forte d’un Parlement régional doté de moyens législatifs et financiers, d’exercer toutes les compétences politiques et juridiques nécessaires pour assurer leur développement de manière autonome et responsable. « Cap sur l’autonomie » est le titre du dernier chapitre !
En novembre 2011, le ministre des collectivités territoriales et président de la Région Philippe Richert a confirmé le lancement, dès le 1er décembre, par la réunion en « Congrès » des 3 collectivités, du processus de fusion des trois collectivités territoriales alsaciennes en une collectivité unique dotée d’une Assemblée unique, avec la date butoir de 2014 qui deviendra ainsi un carrefour historique pour l’Alsace. Pour peu que les Alsaciens sachent faire preuve de détermination et d’intelligence collective, le « Parlement d’Alsace », notre Landtag, pourrait être au bout ! Encore convient-il de se méfier du machiavélisme des jacobins de Paris qui, via un avis négatif Conseil d’Etat, pourraient tenter un dernier tir de barrage pour empêcher une réforme qui fait pourtant consensus en Alsace.
Dans les débats qui vont s’ouvrir, le livre de Bernard Wittmann ambitionne ainsi d’offrir un argumentaire à ceux qui ont choisi de rompre avec la servilité docile en optant pour la responsabilisation et l’émancipation ! Et de conclure : « Le temps de l’autonomie est arrivé »!
(1) Bernard Wittmann, « L’Alsace demain : plaidoyer pour un statut d’autonomie », aux éditions Yoran Embanner. Préface de Max Siméoni et David Heckel.
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