Opinion: Roms, vous avez-dit expulsions ?
Hier on expulsait les Allemands
On a beaucoup parlé d’« expulsions » ces derniers temps, hier des « sans-papiers », aujourd’hui des Roms. Or, ce mot a une résonance particulière en Alsace puisqu’il renvoie à la sombre période de l’épuration ethnique pratiquée chez nous par la France à son retour en 1918. Elle fut marquée par l’instauration des ignobles commissions de triage et ses cartes d’identité raciales A,B,C,D, accompagnées de spoliations et d’expulsions en masse. Car, il est bon de le rappeler, dans l’histoire de France, l’Alsace est la seule région où, dans un but de purification ethnique, le recours aux « expulsions » de populations fut aussi massif. En effet, de 1918 à 1922, Marianne mena en Alsace une des plus impitoyables politiques de nettoyage ethnique du début du XXe siècle. Désireuse de purger le pays des populations d’origine allemande et des Alsaciens germanophiles, elle jeta brutalement aux frontières, dans des conditions humiliantes de « chasse à l’homme », près de 150 000 hommes, femmes et enfants, simplement en raison de leur origine ou de leur marquage linguistique ou culturel. Ces expulsions, qui décapitèrent toute l’élite germanophone du pays, laissèrent longtemps de profonds traumatismes dans la population.
Aujourd’hui on expulse les Roms
À présent, Marianne nous remet le couvert, mais cette fois en visant nommément (1) un autre peuple européen : les Roms (la Constitution ne reconnaissant pas l’existence de minorités ethniques sur le sol français – une belle hypocrisie ! -, il a été créé l’expression fourre-tout et parfaitement inepte de « Gens du voyage » qui, dans la pratique administrative, désigne tous les nomades, Roms compris) ! Or, il est clair que cette minorité ethnique des Roms appartient à l’Europe : ce sont des citoyens Européens ! L’Europe est donc tout à fait dans son rôle en tançant la France – autoproclamée « patrie des droits de l’homme » – pour cette nouvelle violation du droit européen. La commissaire européenne à la justice et aux droits des citoyens, Viviane Reding, a même jugé que l’attitude de la France « était une honte » ! (bien que la France ne soit pas la seule à recourir aux expulsions).
Pour quelle « efficacité » ?
Quant à « l’efficacité » de ces expulsions, elle est parfaitement nulle puisque, en vertu du droit à la libre circulation en Europe, tous les Roms expulsés pourront revenir en France quand ils le voudront (ce ne fut pas le cas des Allemands expulsés d’Alsace et spoliés de tous leurs biens entre 1918 et 1922). De plus, dans un délai réduit de 2 à 3 ans, la restriction des 3 mois pour justifier d’un revenu sur place – sur laquelle se fonde le gouvernement pour justifier les expulsions – ne sera plus applicable. Les 12 à 14 millions de Roms européens pourront alors se déplacer librement et choisir de s’installer où bon leur semble en Europe. L’expulsion des Roms vers la Roumanie ou la Bulgarie ne résout donc rien, c’est reculer pour mieux sauter.
D’abord un problème européen
Le « problème Rom » est d’abord un problème européen. Aussi est-ce à l’Europe d’apporter les solutions qui ne peuvent être que globales. Ainsi deux mesures s’imposent d’emblée :
– En premier lieu, il faudrait que Bruxelles contraigne la Roumanie et la Bulgarie à mieux intégrer leurs minorités ethniques et notamment les Roms qui, sous le régime communiste, furent sédentarisés de force puis « ghettoïsés ». Mais pour cela, il faut un suivi de Bruxelles pour vérifier que les crédits alloués pour faciliter l’intégration des Roms soient bien investis à cet effet sur place (l’Europe a déjà versé 17 milliards d’€ à la Roumanie pour faciliter l’intégration des Roms… en pure perte : ils se sont évaporés !).
– Ensuite, il est indispensable que l’Europe crée un réseau scolaire européen pour permettre la scolarisation des jeunes Roms non sédentarisés ; la plupart ignorent l’école, levier essentiel pour l’intégration et la promotion sociale.
Pas d’angélisme non plus
Il y a la part des préjugés tenaces, mais il y a aussi la part de réalité. En effet, il serait hypocrite de nier le fait que les Roms posent certains problèmes : l’opposition entre peuples sédentaires et nomades est vieille comme le monde, le nomadisme faisant fi des frontières et des sentiments nationaux ancrés dans une terre, n’est pas compatible avec l’Etat-nation, les peuples nomades comme les Roms ont des valeurs qui leur sont propres que nous n’arrivons pas à décoder avec nos grilles de lectures habituelles etc..
On évoque souvent la « forte délinquance chez les Roms » qui recouvre, il faut le reconnaître, une certaine réalité. Mais à y regarder de près, la délinquance est toujours le fait d’individus auxquels il convient d’appliquer sans faiblir les sanctions prévues par la loi : l’occupation illégale de terrains privés, les vols, les inconduites, les dégradations des aires de stationnement… doivent être sanctionnés pour ce qu’ils sont : des délits ! Mais pour autant, on ne peut stigmatiser tout un peuple… bébés et grand-mères compris : la délinquance de quelques-uns ne peut servir à nourrir la notion de responsabilité collective ! On ne peut pas accuser, voire criminaliser, tout un peuple à cause des écarts délictueux de certains de ses membres. C’est pourtant ce que le gouvernement a fait et c’est parfaitement inadmissible !
Des voies pour l’intégration existent
Au lieu de stigmatiser globalement « les Roms », notamment ceux venus de Roumanie, ne faudrait-il pas plutôt explorer les voies qui pourraient conduire à valoriser leur culture, leurs dons créatifs, leur art culinaire (très apprécié en Europe centrale), leur talents pour la musique, leur habileté manuelle, leur penchant pour la solidarité et l’entraide entre générations… afin qu’ils puissent en faire une identité positive ?
Et pour éviter les sempiternels problèmes des occupations illégales de terrains privés ou d’espaces publics interdits, ne faudrait-il pas commencer par sortir de l’hypocrisie et appliquer toutes les directives en matière de construction d’aires de stationnement (2) disposant d’eau, d’électricité et de WC, plutôt que de laisser les communes se renvoyer mutuellement la patate chaude : seules 40% des aires prévues par la loi de juillet 2000 ont été réalisées, et encore, la plupart se trouvent loin des agglomérations. On pourrait dès lors sanctionner plus facilement ceux qui en resteraient aux pratiques délictueuses passées et l’Etat serait plus crédible pour le faire si lui-même respecte la loi.
Et puis, il y a aussi un problème de représentation pour ces populations nomades qui ne participent pas, ou très peu, justement à cause du nomadisme, à la vie démocratique du pays (hormis les Roms, les « Gens du voyage » – pour ceux qui possèdent la citoyenneté française – sont généralement rattachés à une commune, mais ce rattachement est tout théorique). De ce fait, ces populations n’ont pas d’interlocuteurs à opposer aux autorités ou de représentants pour porter leurs revendications dans l’arène politique. La population des « Gens du voyage » – tous ne sont pas nomades -, et qui inclut les Roms (Tsiganes, Gitans, Sinti, Manouches, Nouchs, Romanichels), représente en France une communauté d’environ 600000 personnes. Pour tenir compte de leurs problèmes et de leurs demandes spécifiques, ne pourrait-on songer à la création d’une sorte d’ « Assemblée des Roms » sur le modèle de « l’Assemblée des Français de l’Etranger »(3) qui sont confrontés au même problème de la dispersion ?
Il y aussi le modèle allemand : au Schleswig-Holstein, les Roms sont reconnus comme une minorité nationale – au même titre que les minorités danoise et frisonne – et bénéficient, à ce titre, d’une représentation de droit au Landtag. D’ailleurs, en Allemagne, les 120000 Roms que compte le pays, et dont 70000 sont de nationalité allemande, sont bien assez intégrés. Les campements de Roms, comme on les connaît en France, y sont inexistants.
Et pour finir, n’oublions pas qu’en Alsace ces populations – généralement appelées Jenische (4) ou Ziginer -, dont beaucoup sont à présent sédentarisées, ont aussi montré leur ancrage dans le pays notamment en adoptant, pour la plupart d’entre elles, notre elsässerditsch et parfois des patronymes germaniques comme Weiss, Bodein, Henner…. Etant généralement au plus bas de l’échelle sociale, elles sont souvent les dernières à parler l’elsässerditsch, l’affaire Bodein en a apporté l’illustration puisque le procès nécessita la présence constante d’interprètes en dialecte, les protagonistes de l’affaire ne sachant parler que l’alsacien ! Toutefois, il faut bien reconnaître – le procès Bodein l’a montré – que le bilan de leur intégration reste en demi-teinte.
Toutes ces voies restent à explorer, elles sont plus humaines et plus efficaces sur le long terme que les expulsions ou les stigmatisations qui ne règlent rien mais engendrent une atmosphère délétère. L’intégration est possible à condition d’activer les bons leviers tenant compte des particularités culturelles des migrants, de mettre en place un encadrement spécifique et d’accepter les différences.
Difficulté française à accepter les différences : les raisons d’un échec
Mais nos jacobins ne veulent justement pas voir les différences (notamment les identités régionales) et ne pensent qu’en termes d’assimilation. Ils rejettent toute distinction d’origine culturelle ainsi que l’idée que les sociétés humaines sont modelées par leurs langues, leurs histoires, leur environnement, leurs conditions de vie. Dogmatiques, ils refusent obstinément de reconnaître les minorités et la diversité des valeurs notamment culturelles. Aussi, pour expliquer l’échec de l’intégration, sont-ils constamment obligés de biaiser en privilégiant l’explication sociale : la difficulté d’intégration des nouvelles populations vient de leur condition sociale nous disent-ils, et l’extrême pauvreté des Roms leur sert à expliquer leur difficulté d’intégration. Le facteur culturel est ainsi totalement occulté et la réalité niée, ce qui conduit par avance la politique d’intégration à l’échec : « J’avais moi aussi une vision globale stupide des Français d’origine étrangère. Je croyais qu’une politique égalitaire était la seule possible. Je réalise aujourd’hui combien les héritages culturels, la langue, la structure familiale pèsent sur les individus » confesse à présent le sociologue et chercheur au CNRS Hugues Lagrange (Express du 14.9.2010).
Car le nouveau visage de la société française est plus que jamais pluriel. Dans ce contexte, cette vieille politique française qui persiste à nier les diversités culturelles et ethniques est vouée à l’échec. C’est pourtant ce que la France, tout en se berçant de refrains antiracistes, continue de faire… pour son déshonneur ! Marianne a décidément tout faux !!
Bernard Wittmann
Voir la circulaire ministérielle aux préfets du 5.8.2010 qui précise que « les Roms sont prioritaires » dans les expulsions à mener.
La loi n°2000-614 du 5 juillet 2000 précise que « dans chaque département, au vu d’une évaluation préalable des besoins et de l’offre existante, notamment de la fréquence et de la durée des séjours des gens du voyage, des possibilités de scolarisation des enfants, d’accès aux soins et d’exercice des activités économiques, un schéma départemental prévoit les secteurs géographiques d’implantation des aires permanentes d’accueil et les communes où celles-ci doivent être réalisées (…) La loi prévoit que les communes de plus de 5 000 habitants figurent obligatoirement au schéma départemental qui précise la destination des aires permanentes d’accueil et leur capacité et définit la nature des actions à caractère social destinées aux gens du voyage qui les fréquentent ». Mais ces mesures ne trouvent guère d’application sur le terrain.
L’Assemblée des Français de l’étranger est chargée de défendre les intérêts des 2 100 000 Français établis hors de France. Ses membres sont chargés de relayer les voix de leurs administrés auprès des autres organes politiques français (Assemblée nationale, Sénat, gouvernement). L’Assemblée a une mission de conseil du gouvernement français. Elle peut également en saisir les instances de son propre chef. Les conseillers tiennent le rôle d’élus locaux pour les Français dépendant de leur circonscription (source documentaire : Wikipedia).
Ces derniers sont sédentarisés.
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