DNA du 16/06/2012 – La mémoire oubliée du sulfureux abbé Haegy
par Julien Steinhauser, publié le 16/06/2012 à 05:00
Hirsingue – Histoire – La mémoire oubliée du sulfureux abbé Haegy
Un des rares portraits de l’abbé Xavier Haegy. Documents remis
80 ans après sa mort, les militants du parti régionaliste «Unser Land» rendront hommage aujourd’hui à l’abbé Xavier Haegy, figure de l’autonomisme alsacien de l’entre-deux-guerres, enterré à Hirsingue. Prêtre, journaliste, député : qui était vraiment cet homme…
La date de naissance déterminerait-elle des destins ? Il en est en tout cas qui sont d’étranges coïncidences.
1870: à Sedan dans les Ardennes, l’armée de Napoléon III est battue par les Prussiens. Notre région, possession française depuis 1648, retourne dans l’aire politique allemande. Le Reich né de l’unité allemande étend sa souveraineté sur l’Alsace et la Lorraine thioise.
1870: à Hirsingue naît Xavier Haegy, fils de l’agriculteur François Haegy et d’Anne Holler, fille d’un meunier de Werentzhouse.
Convaincue de la nécessité d’une voie alsacienne
Après sa scolarité élémentaire que les Allemands avaient déjà rendue obligatoire en 1870 (soit une dizaine d’années avant les lois Ferry en France), Xavier Haegy entre au petit séminaire de Zillisheim en 1884, avant de poursuivre ses études au grand séminaire de Strasbourg entre 1887 et 1892. Ordonné prêtre en 1895, il officie alors à Thann.
Très tôt, le jeune vicaire s’intéressere au journalisme. D’abord collaborateur du Mülhauser Volksblatt (interdit par les autorités impériales), en 1897, il devient rédacteur en chef du quotidien mulhousien Oberelsässische Landeszeitung.
Le jeune abbé-journaliste se monte alors sensible aux thèses du catholicisme social et contribue à faire naître l’idée d’un syndicalisme chrétien.
Politiquement, l’abbé Haegy garde de son éducation la mémoire de la «Protestation», ce mouvement qui, dans les années qui suivirent l’intégration de l’Alsace à l’Allemagne, entretient le souvenir de la France et s’oppose à la souveraineté allemande. Dès lors il côtoie d’abord des milieux francophiles et notamment son collègue l’abbé Wetterlé, également journaliste. Tout finira ensuite par opposer les deux hommes. Dans la droite ligne de plusieurs autres ecclésiastiques engagés en politique, notamment l’abbé Cetty, Xavier Haegy travaille alors à la constitution d’une formation politique fédérant les catholiques alsaciens sur le modèle du Zentrum allemand. Il appartient toutefois à la minorité qui s’oppose à l’adhésion du Zentrum alsacien au Zentrum allemand.
1911 et l’idée de nation alsacienne
C’est que l’abbé Haegy se montre de plus en plus convaincu de la nécessité d’une voie alsacienne.
Devenu conseiller général du canton d’Hirsingue en 1906, il participera activement au débat sur la fameuse constitution de 1911. Cette année-là, après une longue période durant laquelle l’Alsace et la Lorraine avaient statut de Reichsland, c’est-à-dire qu’elles dépendaient directement de l’autorité de l’empereur, le Reich allemand lâche du lest et consent à accorder à l’Elssas-Lothringen une constitution. Celle-ci, sans atteindre le même degré d’autonomie des autres Länder, représente quand même un quasi statut d’état fédéral, un Bundesstaat. Lors de ces discussions, l’abbé Haegy considérera comme insuffisante cette avancée. Tout comme le docteur Eugène Ricklin, maire de Dannemarie et premier président du Landtag, le parlement régional constitué après 1911, il défend l’idée de « nation alsacienne » et réclame un statut d’Etat fédéral, non pas au rabais, mais plein et entier.
Pour faire connaître ses positions, il utilise un autre organe de presse, l’ Elsässer Kurier dont il est devenu directeur en 1900, un poste qu’il occupera jusqu’à sa mort en 1932.
Un statut de Bundesstaat
En 1912, il est élu député au Reichstag où il défend les idées de la démocratie chrétienne et revendiquera sans cesse une plus large autonomie pour l’Alsace-Lorraine.
Alors que la guerre entre les deux nations semble inévitable, l’abbé Haegy se range du côté des rares parlementaires hostiles au conflit. Toujours avec Eugène Ricklin, également député et qui partage les idéaux catholiques, il participe, en 1913 et 1914, aux conférences internationales pour la paix, organisées à Bâle et à Berne par un certain… Jean Jaurès.
Le dernier député alsacien à parler au Reichstag
Durant la Grande Guerre il est incorporé sous les drapeaux malgré sa fonction de député. Les rares travaux historiques menés sur le personnage et cette période prétendent que les autorités allemandes cherchaient ainsi à l’éloigner de l’Alsace. En octobre 1918, l’abbé Haegy est le dernier député alsacien à s’exprimer au Reichstag de Berlin. Reprenant l’argumentaire du président des États-Unis, Wilson, l’ecclésiastique met en avant le droit à l’autodétermination de l’Alsace. Xavier Haegy se prononce pour un plébiscite. Il considère que quel que soit le vainqueur de la guerre, « la population, à laquelle par la grâce de Dieu appartient légitimement le pays qu’elle habite, doit décider par elle-même de quelle manière elle veut que l’avenir de son état soit réglé ».
Après la guerre, l’abbé Haegy incarne une sorte d’autorité morale. Son combat tient dans la défense du particularisme religieux. En 1918, il prend notamment la tête de la société d’édition Alsatia qui publie une dizaine de journaux et revues dont la plus célèbre est Die Heimat, dont la ligne éditoriale défend le régionalisme et la décentralisation.
Dès 1919, l’abbé Haegy dénonce les méthodes assimilatrices de la France : commissions de triage qui visent à expulser les Alsaciens suspectés de germanophilie, atteintes à la langue allemande et à l’enseignement religieux à l’école.
Le seul autonomiste jamais arrêté par la police française
Avec l’arrivée au pouvoir du Cartel des gauches dirigé par le radical Édouard Herriot, la situation devient explosive en Alsace. La volonté du gouvernement d’étendre à la région les lois laïques de 1905, entraînent une flambée autonomiste… et anti-autonomiste. Les deux camps s’affrontent par journaux interposés où fleurissent les caricatures. L’affaire prend une tournure violente avec le fameux « Noël boche », comme disait alors la police française. La nuit de la Nativité 1927, les principaux dirigeants autonomistes sont arrêtés et accusés de complot contre la sûreté de l’État. C’est le procès de Colmar. Tous, sans exception, seront finalement acquittés par la cour d’appel de Besançon.
L’abbé Haegy échappe à l’arrestation, faute de preuves suffisantes contre lui. Il fut l’un des rares, voire le seul autonomiste à n’avoir jamais été inquiété par la police française.
Son échec aux élections sénatoriales de 1929 met un terme à la carrière politique de cet homme qui s’éteint à Colmar le 11 mai 1932. Il repose depuis à la chapelle Sainte-Catherine d’Hirsingue où sa tombe n’est pas visible : un revêtement de sol recouvre sa sépulture. Et son histoire ?
Sources : Christain Baechler, Nouveau dictionnaire de biographie alsacienne : Bernard Fischbach, Les loups noirs, autonomisme et terrorisme en Alsace ; Pierre Zind Elssas-Lothringen, une nation interdite (ouvrage d’opinion) et le site internet: hirsingue.patrimoine.free.fr
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