Oui à l’Indépendance de l’Ecosse et de la Catalogne
L’Europe n’est pas morte. Elle bouge encore.
Nous le voyons tous, elle bouge et de l’intérieur. D’aucuns la pensaient sclérosée, en déconstruction, à deux doigts d’imploser sous l’effet conjugué des souverainismes et de l’égoïsme des Etats. Finalement, le recul historique du budget de l’Union Européenne et la folle percée des mouvements eurosceptiques aux dernières élections européennes n’auront pas eu raison d’elle! Malgré toutes les difficultés conjoncturelles et systémiques que l’on connait et ses nombreuses imperfections, l’Europe fait encore rêver puisque deux nouveaux Etats devraient rejoindre la famille des membres de l’Union Européenne. Je veux parler de l’Ecosse et de la Catalogne. Cette situation historique d’un élargissement interne n’est cependant pas une première. Déjà en 1989 avec la réunification de l’Allemagne, l’ex RDA devenait, sans aucune crispation, membre de l’UE.
Ne nous méprenons pas ! Si l’Ecosse et la Catalogne, conformément à la charte de l’ONU, libres de déterminer elles-mêmes leur futur, décident de s’affranchir respectivement de la Grande-Bretagne et de l’Espagne le processus entrepris d’autodétermination s’apparente ici davantage à un mouvement unioniste qu’à une volonté séparatiste. Oui ! il faut le dire : la motivation de l’Ecosse et de la Catalogne n’est pas de couper les ponts historiques qui les lient avec Londres ou Madrid. Les instigateurs du référendum en Ecosse proposent d’ailleurs qu’après la victoire du « oui », l’Ecosse devienne une Monarchie Constitutionnelle qui serait alors placée sous l’autorité de la reine Elisabeth tout comme l’Australie ou le Canada. Autre exemple, tout citoyen anglais résidant en Ecosse deviendrait automatiquement citoyen écossais. Et la monnaie proposée pour le futur Etat écossais serait la Livre Sterling. Non ! la finalité du projet écossais et catalan n’est pas de couper les ponts mais au contraire d’en construire un nouveau. Un qui les relierait directement à l’Europe. Car le vrai pouvoir politique aujourd’hui se situe à Bruxelles entre les mains des Etats membres de l’Union Européenne.
On le sait bien, d’un côté les lois votées dans les pays sont à 90% des retranscriptions de directives européennes et de l’autre , les politiques et les crédits européens sont la conséquence des chefs de Gouvernement de l’UE réunis au sein du Conseil. L’Union Européenne en 2014, ce n’est ni plus ni moins que l’Union des intérêts particuliers des Etats de l’Europe. Et même le Parlement Européen, qui est pourtant l’expression la plus légitime, est représenté par des eurodéputés élus dans chacun des Etats de l’UE qui défendent souvent l’intérêt des Etats dont ils sont originaires.
C’est cette Europe accaparée par les Etats qui poussent les Régions et les Peuples à vouloir se constituer en Etat souverain. Et si les Régions sont au cœur de la politique européenne dans la définition des programmes, à travers le Comité des Régions elles n’ont au final qu’un microscopique pouvoir consultatif. Les Etats sont l’Alpha et l’Oméga de l’Europe et les Régions en sont les grandes victimes.
C’est une constante, en période de crise; les Etats ont un penchant naturel à délaisser leurs périphéries, à se focaliser sur leur centre et à s’intéresser prioritairement à leur capitale. Les velléités de recentralisation à marche forcée que l’on déplore dans l’Hexagone depuis l’ère Sarkozy et qui se prolongent avec Hollande, se traduisent par la suppression de l’autonomie fiscale des collectivités, la baisse des dotations de l’Etat aux Régions et des fusions arbitraires et incohérentes de régions ; c’est une tendance générale dans toute l’Union Européenne. Et la Catalogne et l’Ecosse, malgré une autonomie développée, n’ont pas été épargnées par ce processus centripète. En Grande-Bretagne par exemple, alors que les agriculteurs britanniques ont vu leurs dotations globalement augmentées grâce à la Politique Agricole Commune, Londres , chargée de ventiler les crédits, a baissé les subventions en direction de l’Ecosse. Quand l’enveloppe moyenne de la PAC pour toute la Grande-Bretagne est 229€ par hectare, l’Ecosse n’en perçoit que la moitié.
La Grande-Bretagne est un frein à l’épanouissement de l’Ecosse. Le Parlement Britannique, bien que représentant en théorie l’ensemble des circonscriptions du Royaume Uni, se compose à une majorité écrasante de députés anglais. En effet, plus de 80% de députés de Westminster sont Anglais alors que la part de représentants écossais est inférieure à 10%. Cette injustice rend les aspirations progressistes écossaises au sein d’un Royaume Uni conservateur totalement inaudibles et sans espoir. Le chemin tracé par le Scottish National Party[i] devient alors la seule alternative au verrou britannique.
Et ce référendum, qui interpelle et fait grincer des dents de ce côté-ci de la Manche, se fait très simplement en Grande-Bretagne; et ce avec l’aval de Londres et de la Couronne. La France, dit Pays des Lumières, interdit toute consultation démocratique sur l’avenir de ses régions. Pourtant la France a signé et ratifié en 2007 le Traité Européen sur l’Autonomie Locale qui précise que « Pour toute modification des limites territoriales locales, les collectivités locales concernées doivent être consultées préalablement, éventuellement par voie de référendum là où la loi le permet ». Cela n’empêche pas qu’en Iparralde[ii], Paris s’oppose contre la volonté de la société basque toute entière rassemblée, à la création d’une collectivité spécifique du Pays Basque Nord. Idem pour la réunification de la Bretagne. L’Occitanie n’est pas non plus en reste. En effet par exemple, dans le cadre de la fusion des régions voulue par Manuel Valls, alors que le Conseil Régional d’Auvergne a voté au début de l’été un vœu s’opposant au rattachement de l’Auvergne à la région Rhône-Alpes, l’Etat avance tête baissée sans tenir compte du souhait des habitants et de leurs représentants. La fusion de l’Auvergne avec Rhône-Alpes semble désormais inéluctable bien que parfaitement antidémocratique. Et, quand la République accepte la tenue de référendum sur l’avenir institutionnel de ses territoires, les règles du jeu fixées par l’Etat sont telles qu’aucune évolution n’est possible ; c’est en effet le triste sort qui a été réservé aux Alsaciens en 2013: bien que la majorité des Alsaciens aient voté « oui » à 57% pour la fusion des deux départements et la création d’une région à statut spécifique, Paris avait fixé de telles contraintes que seul le « non » pouvait l’emporter[iii]. Cette crispation jacobine dessert les territoires et leurs habitants qui savent mieux qu’ailleurs, et notamment qu’à Paris, ce qui est bon pour eux. La Grande- Bretagne bien que Monarchie, certes Constitutionnelle, donne des leçons de démocratie à la France qui ferait bien de s’inspirer de sa voisine.
Le projet de société élaboré par le SNP et ses partenaires du « oui » (les écologistes et les socialistes écossais), est porteur d’espérances pour un monde meilleur. Déjà très à la pointe en matière énergétique, l’Ecosse planifie la sortie totale d’ici 2020 du nucléaire civil et militaire. Si le « oui » l’emporte, Londres sera invitée à déménager ses sous-marins nucléaires de l’Ecosse. Autre point positif : la future Ecosse indépendante sera débarrassée de toutes les armes de destruction massive. L’Ecosse ni ne produira, ni n’accueillera d’armes nucléaires, chimiques ou biologiques.
Le projet indépendantiste écossais représente un vrai progrès pour l’Europe, la démocratie, le développement durable, le social et la paix dans le monde. C’est pour cela que nous disons OUI à l’Indépendance de l’Ecosse, OUI à l’autonomie des régions occitanes et OUI à l’Europe des Régions et des Peuples Solidaires !
Peire Costa
[i] Le SNP et le POc sont alliés au sein du parti politique européen ALE (Alliance Libre Européenne)
[ii] Pays Basque Nord en langue basque
[iii] Il fallait que le «Oui » recueille au moins 25% des inscrits dans chacun des deux départements que compte la région Alsace
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