Lettre de Mr Hermann à Mr Kennel, président du Conseil Général du Bas Rhin
Manifestation du 11 octobre à Strasbourg
Monsieur le Président,
Puisse ce 11 oct. 2014 rester un jour marquant de l’histoire de l’Alsace : un début d’une prise de conscience. Enfin, une partie des alsaciens et une partie de leurs élus réagissent (vous l’aviez mentionné au début de votre interview), prenant, enfin, conscience de la nécessité de défendre ce que nos aïeux nous ont légué, à savoir ce qui constitue notre identité. Celle-ci comprend notre territoire, notre langue, notre culture, notre savoir faire, notre attachement au travail bien fait etc… bref, elle comprend nos manières d‘être et de vivre sur notre territoire.
Au cours de votre entretien avec Alsace 20, ce jour-là, vous aviez relevé que différents messages ont émergé lors de cette manifestation, dont celui, entre autres, de l’autonomie. Vous aviez affirmé que militer pour l’autonomie, c’est rendre un mauvais service à l’Alsace, en ajoutant : « je suis fier d’être français. »
Je ne pense pas qu’ « autonomie » et « être fier d’être français » soient incompatibles. Un savoyard qui habite en Italie, dans la Région Autonome du Val d’Aoste, peut être fier d’être italien, puisque l’Italie fait preuve de générosité en respectant l’autonomie du territoire où il vit. Son territoire est caractérisé par une identité spécifique ( historique et linguistique découlant de son origine : la Savoie). L’autonomie permet de protéger son identité, dont la spécificité culturelle et la langue propres à sa communauté (1).
Une identité spécifique similaire caractérise notre territoire de vie, l’Alsace (historique et linguistique découlant de son origine alémanique-germanique). Je pense même, que si l’Etat français ferait preuve de justice, non pas en accordant l’autonomie à l’Alsace, mais simplement en lui restituant son autonomie, obtenue en 1911 de l’empereur allemand, celle qu’elle lui a confisquée en 1918 [de quel droit ? (2)], vous pourriez être encore plus fier d’être français. Moi aussi, dans ce cas, j’en serai fier.
Si la France n’avait pas spolié l’Alsace de son autonomie en 1918, nous aurions été dispensés d’aller dans la rue en 2014 pour défendre nos valeurs : la manifestation du 11 octobre n’aurait pas été nécessaire. D’ailleurs, il est plus que probable que celle-ci ne suffira pas à changer l’attitude des dirigeants d’un Etat centralisateur, jacobin et rétrograde, au nationalisme étriqué, qu’ils soient de gauche (nos démêlés actuels) ou de droite (Sarkosy a affirmé publiquement, qu’il s’opposait à la ratification de la Charte européenne des Langues minoritaires, donc à la reconnaissance de notre langue).
Le centralisme, l’exception française en Europe, handicape non seulement l’Alsace par rapport à ses voisins le Baden-Würtenberg et la Suisse, mais constitue le facteur principal de la décadence de la France. Pour éviter à l’Alsace de subir le même sort, l’autonomie est une noble idée, une idée de progrès et d’avenir. C’était une idée d’avant-garde soutenue par ces alsaciens-autonomistes précurseurs qui l’avaient défendue avant 1911 devant l’empereur allemand qui, finalement, l’avait acceptée, puis après 1918, devant les revanchards français qui, eux, l’ont rejetée. Le Baden-Würtenberg, les Länder allemands, les cantons suisses, dont Basel-Stadt et Basel-Land, ont des gouvernements autonomes(3). Au cours de la manifestation, plusieurs maires ont exprimé la nécessité, pour l’Alsace, de se doter d’un gouvernement autonome à l’image des gouvernements de nos voisins allemands et helvétiques. Si, en Alsace, la situation économique est précaire et le taux de chômage élevé, alors que nos voisins manquent de main-d’œuvre, cela ne découle pas d’un problème d’incapacité des alsaciens ou de leurs élus, –ils sont de la même communauté ethnique que leurs voisins–, mais, essentiellement, d’un problème structurel et de gouvernance. Vivre dans une Alsace autonome, maître de sa destinée et être fier d’être français ne me paraît pas incompatible, comme vous semblez le ressentir, dans la mesure où l’autonomie lui soit restituée par la France. Autonomie n’est pas repli sur soi.
Il me semble, toutefois, comprendre votre réaction de rejet de l’idée autonomiste. Il y a quelques années, le terme « autonomiste » suscitait, chez moi aussi, une réaction négative. Pourquoi ? La propagande officielle a présenté les autonomistes comme des traîtres. En l’absence de connaissance de l’histoire de mon pays, en l’absence de connaissance de l’action des autonomistes, je me suis laissé berner. C’est seulement avec l’âge que j’ai appris à connaître l’histoire de l’Alsace, qui, malheureusement, n’est pas enseignée à l’école. Il y a une vingtaine d’années, après avoir pris ma retraite et trouvé le temps nécessaire à des recherches, j’ai étudié l’histoire de mon pays. Et j’ai dû me rendre à l‘évidence que les véritables défenseurs de notre « Heimet », de notre Alsace, de nos valeurs, de notre culture, de notre langue, de notre droit naturel d’être différent des autres et du droit de rester ce que nous sommes, c’étaient les autonomistes…..
Prenant connaissance de documents relatant les vérités historiques relatives à l’Alsace, j’ai appris que des alsaciens courageux (Ricklin, Rossé, Roos, Dahlet, Haegy, …), malgré leur persécution, n’avaient pas abandonné leur engagement à défendre ce qui nous est cher, pour nous permettre de survivre en tant que peuple alsacien. Mais, ces hommes, qui méritent notre reconnaissance, ont été salis par les autorités françaises, humiliés, traînés dans la boue, persécutés, traînés devant les tribunaux, condamnés moyennant de faux témoignages, enfermés, exilés, interdits de séjour….
Aujourd’hui, à 82 ans, je suis fier de mon Alsace, fier de ma langue et fier des alsaciens que je viens de citer, qui ont défendu notre territoire, notre « Heimet ». J’éprouve du mépris pour les super-patriotes (les ²patr’idiots², suivant la terminologie de notre Martin Graff), qui ont saboté nos valeurs, nos particularités culturelles, notre langue et qui, pour cette bravoure, ont été gratifiés, bien des fois, de distinctions et de ²places au soleil². Pauvres hères !
L’histoire de l’Alsace n’est pas propre. Certaines vérités ont été dissimulées aux alsaciens, à vous, à moi, dans une stratégie d’assimilation et de destruction de nos particularités. Au sujet de la langue, je me permets de citer encore les savoyards de la Région Autonome du Val d’Aoste, dont la langue, de racines françaises, est protégée. Il en est de même de celle, de racines alémaniques, du Tirol du Sud. En Alsace, notre langue a été volontairement déracinée. Je n’ai toujours pas « digéré » les punitions qui m’étaient infligées, lorsque, en récréation à l’école communale, je me faisais attraper à parler alsacien. Quelle tristesse que de défendre à un enfant de parler la langue qu’il a apprise sur les genoux de sa mère. Or, « un peuple qui perd sa langue, perd son âme ». Nous n’en sommes pas loin.
Il faut tourner la page, me direz vous peut-être ? Oui, si l’Alsace était florissante, si ses valeurs, son droit naturel à la différence étaient reconnues et si la maîtrise de sa destinée lui était octroyée, ce serait vraisemblablement possible. En attendant, ce serait une erreur de continuer à se laisser diriger par des gens qui sont loin de nous, loin de notre culture, loin de nos préoccupations, des gens qui sont psychologiquement bloqués par le dogme de la république une et indivisible, pour qui la richesse issue de la différence (4), est inconcevable.
Veuillez croire, Monsieur le Président, que mon propos n’a nullement pour objet de critiquer votre opinion du moment, exprimée en ce mémorable jour du 11 octobre 2014 (quelque soit le débat, chaque opinion mérite respect), ni de juger votre manière de formuler le message que vous souhaitiez transmettre. Par contre, je tenais à vous faire part de ma crainte, que vous aussi avez été, comme moi-même et comme, malheureusement, la majorité des alsaciens, dépossédé de l’histoire de l’Alsace, car elle nous a été confisquée et dissimulée.
Etant persuadé que nous pouvons compter sur vous pour défendre notre belle Alsace, nos valeurs, nos spécificités et l’avenir de nos descendants, je vous prie d’agréer, Monsieur le Président, l’expression de ma respectueuse considération.
Bernard Hermann
(1) La protection de l’identité des savoyards, côté français, pose problème. Ils se heurtent aux mêmes difficultés que nous, alsaciens. Une délégation de savoyards était présente, place de Bordeaux le 11 octobre, pour nous apporter leur soutien.
(2) Wilson, président américain, avait demandé en 1918, que le peuple alsacien-mosellan puisse s’exprimer, par référendum, pour choisir entre : garder son autonomie, ou se réintégrer dans les 3 départements français de leur affectation antérieure. Ce référendum avait été « balayé » par la France, la Grande Nation qui prône le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes (chez les autres).
(3) Les Länder autrichiens, aussi, sont autonomes. L’Espagne a accordé l’autonomie à plusieurs de ses régions (Catalogne, Galice). La Grande-Bretagne a accordé l’autonomie à l’Ecosse. Récemment, une partie de la population écossaise avait souhaité l’indépendance. Un référendum a été accordé à l’Ecosse pour trancher d’une manière démocratique. Pouvons-nous nous imaginer que la France, qui se veut pays de la liberté, accorde à l’Alsace, non pas une consultation populaire pour trancher de son indépendance, mais la consultation, préconisée par le président Wilson, que la France lui avait refusée en 1918, pour savoir si elle tient à la restitution de son autonomie et de la constitution y afférente, obtenues en 1911 et qui lui ont été volées.
(4) La Suisse fonctionne avec 4 langues officielles et elle soigne son patrimoine multiculturel.
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