L’autonomisme à la une pour mieux le poignarder
L’autonomisme à la une pour mieux le poignarder (Joseph Schmittbiel, hewwemi.net)
Le journal l’Alsace, propriété du Crédit Mutuel, consacre sa une d’aujourd’hui, samedi 2 mai 2015, ainsi que plusieurs articles, à l’autonomisme alsacien. Pour certains d’entre nous, c’est une grande victoire, awer Achtung, toute médaille a son revers, et il s’agit d’y regarder à deux fois avant de se réjouir.
La première chose qu’il faut avoir à l’esprit lorsqu’on découvre ces lignes, c’est qu’après soixante-dix années d’un traitement parfaitement inique de l’autonomisme alsacien, soit par des accusations mensongères et l’amalgame au nazisme, soit par l’omerta, et après les évènements de l’automne dernier et le score d’Unser Land aux départementales, les mainstreams alsaciens ne peuvent décemment plus faire autrement que de parler, enfin ! de l’autonomisme. Autrement dit, que le mouvement alsacien fasse la une aujourd’hui, c’est vraiment la moindre des choses !
Mais le plus important est de voir comment on en parle et avec qui. Or là, je ne saurais dire ce qui me désole le plus : le choix des partenaires ou le niveau rase-bitume auquel le journal l’Alsace élève le débat.
Alfred Wahl, professeur émérite à l’université de Metz, et Maurice Carrez, professeur d’histoire à Sciences Po Strasbourg, voilà les deux personnes choisies pour analyser le mouvement autonomiste alsacien. La crème de l’université française pour évoquer ceux qui tentent de résister au rouleau compresseur culturel français… La philosophie du canard, c’est que pour nous parler des souris, le mieux est de faire appel aux chats les plus performants qui, on s’en doute, maîtrisent fort bien le sujet.
Rendons à César ce qui est à César : je dois beaucoup à Alfred Wahl. J’avais déjà pris la décision de créer hewwemi.net et de réaliser une série de vidéos sur l’autonomisme lorsque le 26 octobre 2013 je me rendis à sa conférence donnée au Kreis à Strasbourg au sujet des élections législatives des années trente. J’avais encore un reste de respect pour l’institution et j’attendais sincèrement les arguments solides qui allaient ébranler mes convictions autonomistes. Je fus d’autant plus surpris de le voir sortir l’artillerie lourde : Roos, Rossé, Keppi, Sturmel, tous des nazis…
Ce jour-là, le professeur s’est fait copieusement chahuter, le public du Kreis n’est pas un parterre de gentils étudiants forcés de gober la parole du maître. Cela ne l’empêcha pas, à l’issue de sa prestation, de nous lancer : « Pourquoi vous perdez votre temps à défendre l’alsacien, défendez le français, c’est le français qui est en danger aujourd’hui ! »
Soixante-dix années plus tard, monsieur le professeur mettait donc toujours tous les autonomistes dans le même sac et selon lui, le français, langue officielle unique dans treize pays du monde, co-officielle dans une vingtaine d’autres, enseignée à des dizaines de millions d’élèves, est une langue en danger.
La conclusion s’imposait d’elle-même : si une telle incompétence peut se dire professeur émérite à l’université, alors il n’y avait aucune raison qu’un lambda comme moi s’autorise à diffuser des vidéos sur le sujet : merci professeur !
Alors certes, le journal l’Alsace ne peut plus se permettre de venir avec les gros sabots d’antan, faut bien nuancer un p’tit peu, mais attention, hors de question de laisser apparaître l’autonomisme comme une revendication légitime eut égard à la politique française d’éradication culturelle. Et bien entendu, pas un mot sur l’épuration ethnique de 1919.
Avec Maurice Carrez, on évolue exactement dans la même catégorie : Ecossais, Catalans, Corses, Bretons et autres, nous sommes des « fétichistes de l’identité ». Le choix des mots est parfait, « fétichistes », ça nous renvoie soit au champ sémantique des sadomasos et du fistfucking, soit à celui de la tribu sous-développée qui lance des sorts aux effigies de François Hollande avant de les jeter dans les flammes, dans les deux cas, nous sommes des crétins politiques.
Face à un monde qui évolue, nous nous rattachons à la « langue » et aux « colombages ». Oui, la langue et les colombages… L’éternelle folklorisation… La combinaison révèle l’immense mépris pour la culture alsacienne qui de toute manière, n’a aucune chance dans le monde de demain. Et puis, l’attachement aux racines reste suspect, le danger de la « dérive » est omniprésent, « il ne faut pas oublier que l’Alsace est multiculturelle », t’as le bonjour de Paris… L’éternel sourcil dressé et l’index menaçant… Bienvenue au Café du commerce !
Parlons-en de la diversité : c’est qui qui refuse depuis 1789 de reconnaître que la France est un pays pluriethnique ? Les Alsaciens ? Les Corses ? Les Bretons ? C’est qui qui étouffe dans le monolinguisme d’Etat pendant que le voisin de Sarre est en train de faire du français la seconde langue officielle, c’est pas les Alsaciens peut-être ? C’est qui qui voit ses enfants privés d’emploi parce que Marianne n’a pas voulu qu’ils apprennent l’allemand, c’est qui qui voudrait enfin s’ouvrir aux voisins suisses et allemands parce que l’avenir est dans l’échange avec l’étranger et qui se voit parqué de force dans un carcan institutionnel Grand-Est qui va le priver d’encore plus de liberté ?
Car le fond du problème, que toute cette nomenklatura jacobine se garde bien d’évoquer, c’est que la France est en train de virer dictature, c’est le déni de démocratie, le refus de consulter la population, l’attitude scandaleuse d’un président de région qui a vendu ses électeurs et ses concitoyens, c’est contre tout cela que se révolte le mouvement alsacien.
Pendant que la France devient un Etat de surveillance généralisée, les autonomistes ont fait leur boulot : le parti « Alsace d’abord » est marginalisé, les identitaires sont à leur place, microscopique. L’autonomisme alsacien d’aujourd’hui est un sursaut contre la « dérive », bien réelle celle-là, de l’Etat français, c’est l’expression d’hommes et de femmes qui veulent rester debout et dignes, fraternels et ouverts dans l’adversité, et qui ne s’en laissent plus conter par la propagande jacobine qui nous pond une page entière sur le sujet sans evoquer une seule fois son expression politique la plus légitime : Unser land… A bon entendeur, salü bisamme!
Joseph Schmittbiel
L’un des articles de l’Alsace de ce 2 mai 2015 :
Aux sources de l’autonomisme alsacien
L’histoire de l’autonomisme en Alsace est complexe : cette idée a attiré des personnalités de sensibilités très différentes. Alors que s’est réveillé en Alsace, depuis plusieurs mois, un mouvement « régionaliste », voici, avec l’aide de l’historien Alfred Wahl, un rappel des velléités autonomistes dans la région depuis 1870.
Textes : Hervé de Chalendar 2 mai 2015
À l’origine, il y a une évidence historico-géographique : l’Alsace, rappelle l’historien strasbourgeois Alfred Wahl, professeur émérite à l’université de Metz et spécialiste de l’Allemagne, « est située dans une région qui est un entre-deux. Cet entre-deux va de l’Italie du Nord aux Pays-Bas, en passant par l’Alsace et la Lorraine. » Sa création remonte à 843, quand le traité de Verdun a partagé en trois l’empire de Charlemagne. Cette zone correspond à la Lotharingie, la part de Lothaire, coincée entre les mondes gaulois et germanique. Et qui sera, de ce fait, continuellement convoitée par un côté comme par l’autre.
Un pays de « l’entre-deux »
Le deuxième grand repère historique est évidemment 1648 quand, par le traité de Westphalie, une large partie de l’Alsace intègre le royaume de France. Mais l’autonomisme ne germera entre Vosges et Rhin que deux bons siècles plus tard. Car pour qu’il y ait autonomisme, il faut qu’il y ait des nations constituées. Et rappelle Alfred Wahl, « le sentiment national naît au XIXe. » Il générera assez vite, soit dit en passant, une impressionnante série de catastrophes…
Le mouvement autonomiste alsacien débute pour de bon après 1870, une fois l’Alsace devenue prussienne. Des Alsaciens se présentent sous cette étiquette dès les législatives de 1877. « La volonté des autonomistes, alors , précise l’historien, était d’être traités comme les autres États (Staaten) allemands. » Avoir les mêmes prérogatives, notamment en matière d’enseignement, et pourquoi pas, aussi, un prince… Or, le Reich se méfie de l’Alsace. Il lui concède toutefois des avancées : une assemblée consultative régionale en 1879 et, surtout, une assemblée législative régionale (Landtag) en 1911. L’Alsace n’est toujours qu’un Reichsland et toujours pas un État (Staat), mais on s’en rapproche.
La Première guerre mondiale stoppe ce mouvement. L’affaire de Saverne a montré à quel point l’incompréhension et la méfiance restaient grandes entre Alsaciens et Allemands ; et quand les hostilités se déclenchent, ces derniers se comportent chez les premiers « comme dans un pays occupé… »
À la toute fin de la guerre, en octobre 1918, un Alsacien, Rudolf Schwander, est pour la première fois Statthalter, c’est-à-dire à la tête de l’Alsace. Mais ça ne dure que quelques jours… L’Alsace revient à la France. Commence alors la grande période de l’autonomisme alsacien.
Parce que la France doit refranciser cette région, elle y envoie des fonctionnaires et enseignants venus « de l’intérieur », ce qui, constate Alfred Wahl, « occasionne un véritable déclassement social de la population ». Dans le même temps, les craintes grandissent concernant la sauvegarde des spécificités locales. Elles deviennent très vives après 1924 et l’arrivée au pouvoir, à Paris, du Cartel des gauches. La volonté d’Édouard Herriot de mettre fin au statut scolaire confessionnel met le monde catholique et protestant, et donc la quasi-totalité de l’Alsace, en ébullition. On a parlé de 50 000 manifestants à l’été 24 place Kléber à Strasbourg ; l’administration en a comptabilisé 15 000, mais qu’importe : le rejet est massif et Herriot recule.
En mai 1925 est créé à Saverne un hebdomadaire autonomiste, Die Zukunft (L’Avenir), dont le directeur de la rédaction est Eugène Ricklin, futur président du mouvement Heimatbund en 1926 (voir ci-dessous). Un parti autonomiste, la Landespartei, est créé en novembre 1927 par Karl Roos. L’agitation devient telle que des autonomistes, accusés de complots contre la sûreté de l’État, sont jugés, en mai et juin 1928, dans le fameux « procès de Colmar » : Ricklin et Roos seront condamnés… puis acquittés.
Mais tous ces autonomistes n’ont pas les mêmes sensibilités et revendications. En se développant, ce mouvement est devenu hétérogène. Certains sont plutôt régionalistes, d’autres séparatistes…. Parmi les leaders et militants, comme c’est sans doute le cas aujourd’hui, on trouve un peu de tout : des conservateurs, un radical progressiste laïc comme Camille Dahlet (voir ci-contre), un prêtre comme l’abbé Haegy, un ancien communiste comme Charles Hueber, maire de Strasbourg entre 1929 et 1935… Enfin, durant la Seconde guerre, certains « Nancéens » (autonomistes incarcérés par la France à Nancy en 39) se rapprochent du nazisme, ou sont en tout cas récupérés par lui.
Quand la gauche est à Paris…
Après-guerre, constate Alfred Wahl, « on observe une nouvelle bouffée d’autonomisme au moment du procès de Bordeaux » , qui, en 1953, met en cause des Malgré-nous dans la tragédie d’Oradour-sur-Glane : « Ça a réveillé en Alsace des courants hostiles à la France. » L’historien cite encore l’émoi provoqué par l’affaire du Synchrotron, en 1984, quand 10 000 personnes avaient manifesté à Strasbourg pour réclamer l’implantation de cet accélérateur de particules, finalement donné à Grenoble. On assistait alors au même rejet de Paris, symbole d’une France jugée anti-alsacienne, que l’on a pu retrouver dans de récents graffitis et slogans. Alfred Wahl fait remarquer que la gauche était au pouvoir en France en 1984, comme ce fut le cas en 1924 et comme c’est le cas actuellement : « La haine de Paris se manifeste surtout quand ce n’est pas la droite qui gouverne. Pour certains conservateurs, la gauche n’est pas considérée comme légitime… »
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